" En l'absence de facture, la preuve de l'utilisation de ces sommes à des fins médicales n'est pas rapportée."
Les médecins et autres professionnels de santé qui exercent dans les structures de santé publiques sont appelés agents de santé puisqu'ils accomplissent à travers leurs fonctions une mission de service public.
À ce titre, ils sont soumis, comme tous les fonctionnaires, à un certain nombre de contraintes dont la méconnaissance peut être plus ou moins lourde de conséquences, allant du simple blâme à une peine d'emprisonnement.
C'est notamment le cas lorsqu'un agent de santé exige à un patient le paiement d'une somme qui n'est pas due ou qui excède ce qui est réellement dû. C'est encore le cas lorsqu'une ristourne ou une exonération injustifiée est accordée au patient. En effet, offrir ses soins gratuitement au sein de l'hôpital est interdit, sauf autorisation préalable émanant de la hiérarchie.
INTENTIONS NOBLES... DELIT DE CONCUSSION ?
Dans un jugement rendu le 8 janvier 2020, la chambre correctionnelle du tribunal de première instance de Port-Gentil affirmait que les bonnes intentions d'un agent de santé qui exige au proche d'une patient devant subir une opération chirurgicale, le versement d'une somme destinée à l'achat du matériel médical indispensable à réalisation de cet acte, ne suffisent pas à écarter le délit de concussion dès lors que le paiement exigé ne fait pas l'objet d'une documentation régulière.
En l'espèce, suite à des complications rendant impossible l'accouchement par voie basse de sa patiente, un gynécologue obstétricien avait pris la décision de pratiquer une césarienne. Dans cette optique, il avait réclamé au mari de la patiente la somme de 200 mille francs, alléguant que cet argent servirait à acheter le matériel médical nécessaire, l'hôpital connaissant régulièrement des pénuries. Or, aucune ordonnance n'avait été rédigée et rien ne permettait d'attester de la destination réelle de la somme versée. En outre, le mari avait par la suite dû s'acquitter de la somme 130 mille francs cette fois-ci auprès de la comptabilité de l'établissement, la facture indiquant que ce montant était destiné "aux frais de bloc et d'hospitalisation".
Alors que le médecin, soutenu par sa hiérarchie, s'était justifé en indiquant que la pratique était courante et motivée par la volonté de venir en aide aux populations, le juge s'était quant à lui montré ferme :
« Attendu que s'il est vrai que du matériel médical est indispensable aux soins prodigués, il n'en demeure pas moins vrai qu'il est d'usage que les prescriptions médicales se fassent par ordonnance; [...] qu'en l'absence de facture, la preuve de l'utilisation de ces sommes à des fins médicales n'est pas rapportée; qu'en agissant de la sorte, le prévenu s'est rendu coupable de concussion [...] ».[1]
Ainsi, la noblesse des intentions ne prévaut pas sur l'obligation de formalisme que suggère la relation de soins en milieu hospitalier public.
TEXTES DE REFERENCE
DANS LE CODE DE DEONTOLOGIE MEDICALE
-> Art 19 : Sont interdits :
1° Tout acte de nature à procurer à un malade un avantage matériel injustifié ou illicite ;
2° Toute ristourne en argent ou en nature faite à un malade ;
3° Tout versement, acceptation ou partage clandestin d’argent entre praticiens ;
4° Toute commission à quelque personne que ce soit ;
5° L’acceptation d’une commission pour un acte médical quelconque et notamment pour examens, prescriptions de médicaments, d’appareils, envoi dans une station de cure ou maison de santé.
DANS LE CODE PENAL
-> Art. 127 : Le fait par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, de recevoir, exiger, ou ordonner de percevoir à titre de droits ou contributions, impôts ou taxes publics, une somme qu’elle sait ne pas être due, ou excéder ce qui est dû, est puni d’une peine de cinq ans d’emprisonnement au plus et d’une amende de 10.000.000 de francs au plus.
-> Art. 128 : Est puni des mêmes peines le fait, par les mêmes personnes, d’accorder sous une forme quelconque et pour quelque motif que ce soit une exonération ou franchise des droits, contributions, impôts ou taxes publics en violation des textes en vigueur. La tentative des infractions prévues au présent
[1] TPI de Port-Gentil, ch. corr., Répertoire n° 14/2019-2020
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